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Le Bûcher De Violin

15 février 2013

Nick Cave le Jeune

 

 

Push_the_Sky_Away

 

Le dernier Nick Cave est hanté. C’est comme les maisons dans les films : on s’y attend un peu au début, mais l’horreur est progressive, et finit par surprendre.

Passée la déception initiale (« c’est lent », « tout se ressemble », « pas de mélodies », etc.), on rentre peu à peu dans l’univers. Il n’y a pas ici de grande chanson "classique", couplet/refrain/pont (ce monastère où rien ne rentre, d'où rien ne sort  — exercice dont Cave s’est lassé après avoir approché la perfection.)

Non, ces chansons informes se répondent, se commentent ; elles copulent entre elles, se frottent comme des serpents, à la vue de tous. Au milieu des caresses, une image supérieure apparaît. Avec neuf éclairages différents, le tableau prend forme en quarante minutes ; il faudra plusieurs écoutes pour en savourer le venin. 

Un tableau banal en apparence. Un homme se tient au bord de la plage, ciel et mer confondus. Des vagues d’amour (ou de haine, ou de foi, ou de désespoir, ou de lubricité, etc.) vont et viennent entre lui et l’horizon ; les boucles obsédantes de Warren Ellis en portent le ressac. Comme dans le fameux « Nausicaa » de Ulysses, notre homme observe des jeunes filles sur la plage, tour à tour déesses (Mermaids) ou salopes (Water’s Edge, allusion à peine voilée à la pornographie de masse.) C’est que l’image se précise au fil des écoutes : le héros se tient devant un océan mondial, espionné par des esprits, des voyeurs réseaux-sociautés, des pervers, ou des planètes (on ne sait pas trop, We Real Cool et We No Who U R  chérissent leur mystère.) C’est la plus grande réussite du disque : tiraillé sans cesse entre l’intime et le général, il ne prend pas position. Il n’y a que la mer, le temps qui passe, des papes qui jettent l’éponge…

Et il y a l’artillerie lourde. Cette introduction nerveuse, paranoïaque, notes et arbres tendus comme des mains vers le ciel. « Au milieu du chemin de l’album », Jubilee Street, où l’on croisera probablement DSK et Yann M’Villa. La rue des péchés, qui permet (paradoxalement ?) la plus belle envolée du disque. Ou cette fille dont on rêve après avoir écrit Jubilee Street. Ou le Boson de Higgs, cette « particule de Dieu » qui fait cohabiter Robert Johnson, Lucifer, et Miley Cyrus (on prie pour que la Suisse interrompe ses recherches…) Autant de couleurs qui viennent casser la lumière, pervertir l’éclairage. Avant la prière finale, au sens ambigu : s’agit-il de renier, repousser le ciel ou de l’agrandir, l’accepter en lui appliquant ses propres limites, ses propres défaites ? Le ciel est-il une femme ? Nick Cave allume une cigarette, et ferme le rideau.

Les neufs chansons tournent autour du même héros, la même obsession. Un phare qui projetterait neuf faiblesses dans la même nuit. Comme les grands Flamands, Cave peint un décor où chaque détail est un symbole. On voit du bleu foncé, du soleil couchant, des palmiers, des rues à putes, mais chaque élément renvoie à une idée, une métaphore, une chanson oubliée, plus qu’à sa simple représentation. On visualise bien l’image, mais il y a tellement de non-dits qu’au final, on se laisse bercer par le silence, tout ce qui n’a pas été peint.

On ne sait pas ce que l’ensemble veut dire ; on ne sait pas si l’album va durer (en soi), mais l’image suggérée est tellement forte qu’elle remplace toutes les précédentes.

C’est déjà un souvenir de longue date.

 

 

 

 

 

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25 juin 2012

I Know It's Over

Reuters. Le soleil darde ses rayons solaires sur la très grosse grande ville. L'Euro est bientôt terminé, la fatigue l'emporte sur tout le reste. Ici, à Kiev, les supporters privés de sommeil se sentent comme une bière éventée, sans bulles, sans passion. Comme à la fin d'Ulysse, de Joice, la lassitude des héros se sent dans les phrases, tout devient décousu, les organismes sont lessivés, seuls quelques râles viennent tirer Didalus du sommeil. Nous croisons dans le dédale des labyrinthes un jeune homme blond, grand, musclé, aux yeux bleus, qui prétend s'appeler Ernesto V., et accepte acrimonieusement de répondre à nos questions.

Que penser de cet Euro ?

Honnêtement, c'était pas mal. Un peu défensif et tactique, ce n'était pas du foot champagne, plutôt du foot limoncello, un peu acide, qui tire les traits, mais il y a eu de l'intensité, de belles équipes. Et le plus beau 0 - 0 vu depuis un moment.

L'Equipe de France : crise de la passion, ou passion de la crise ?

Le match contre l'Espagne n'était pas SI mauvais. Ce n'était pas du football champagne, plutôt de football Koenigsbier, si vous voyez, mais bon. On a bien tenu défensivement, c'était bien cadenassé. On peut reprocher un manque d'envie, de talent, de combativité, de respect pour les supporters smicards venus dépenser une fortune pour voir une équipe jouer à l'autre bout de l'Europe ; un comportement de sale gosse, une apathie lamentable, une paresse pituiteuse, une faiblesse mauve, une ampoule grillée — un menfoutisme évident qui ne donne plus envie de les supporter à l'avenir. On peut reprocher BEAUCOUP de choses en fait, mais je cite Ribéry dans son interview d'après-match : "Comme l'a dit Kierkegaard, la vie, c'est toujours un peu décevant. Enfin, je schématise." L'Equipe de France épouse la vie, la suit dans une sorte de dimension parallèle.

Et hier soir ?

Match extraordinaire. Intense, grandiose — et sans buts ! De quoi réconcilier avec le football. La France a fait semblant de découvrir que Pirlo est un génie absolu. Buffon, Balotelli (surtout) et Cassano ont été fabuleux. Pour tout dire, on rêve devant cette équipe italienne — je ne pensais pas dire ça un jour...

Tout de même, vous portez cinq écharpes de Liverpool : ça ne vous fait pas mal de voir que Gerrard n'aura jamais de titre international ?

Non. Steven Gerrard est mon héros, et il n'y a pas de héros sans tragique. C'est écrit : il ne doit pas gagner. Liverpool l'a bien compris depuis un moment.

Tout de même, la Carling Cup ?

Arrêtez de vous foutre de moi.

Un pronostic pour les matchs à venir ?


Pas vraiment. Ce sont quatre très belles équipes, et je suis enthousiaste. Disons : le Portugal va sortir le grand jeu pour battre l'Espagne. Quant à Allemagne/Italie... Vous avez vu ces deux équipes jouer ? Bon sang, je trépigne rien que d'y penser !

Pour finir, une question musicale : plutôt slip ou caleçon ?

Oui, il s'appellera peut-être "Caribbean Gothic", c'est le titre de travail, et donc je travaille dessus, mais très mollement. Pour l'instant il y a trois notes qui sont sûres d'être sélectionnées. Je vais aussi publier mon premier roman, "L'Autodidacte", ça parle d'un homme qui rêve d'apprendre par lui-même mais ne fait qu'apprendre des autres, et finit par se suicider. Plus qu'un roman d'initiation, il s'agira d'une nouvelle initiation au roman, vous voyez ?

 

 

17 juin 2012

Komm Gib Mir Deine Hand

Il ne faut pas le cacher, le Bûcher, depuis deux jours, ça ne vaut pas plus qu’une merde de chien. Mais j’ai une bonne excuse : je suis amoureux. Lors d’une soirée chez un ami, en feuilletant des magazines, je suis tombé sur cette photographie — anodine, de prime abord. Quatre personnes autour d’une table, en plein repas, qui regardent le photographe. Elles affichent un air décontracté, on ne sait pas très bien si on les surprend pendant l’entrée, le plat principal, le dessert. Ont-elles déjà bu ? C’est possible. C’est en noir et blanc, mais quelque chose dans l’agencement de la table évoque l’Amérique latine, le soleil. On entend au loin des conversations en espagnol, des éclats de rire, un air de tango. Les figurants mangent au milieu du vacarme, leur pose ralentit la musique. Deux hommes, deux femmes (mille possibilités, oui.) Eux, les mâles, tirent la tronche, comme si une culpabilité discrète les empêchait de fanfaronner face à l’objectif ; elles, par contre, semblent détendues, innocentes — après quelques secondes, on remarque même que celle qui se tient à la droite de la table est très jolie, pas un "canon" (ce mot...) moderne bien sûr, mais un visage, disons-le, angélique, encadré par des cheveux bruns qui se fondent l’obscurité du restaurant. Elle affiche un sourire gêné par l’indiscrétion du photographe qui la surprend alors qu’elle mâche ou déglutit une bouchée de haricots, et d’ailleurs c’est cette gêne (qui lui déforme les joues, et imprime un air espiègle sur un visage à peine sorti de l’enfance) qui la rend sublime. Elle porte une chemise de bûcheron, trop grande, comme la mère de John Fogerty. On semble percevoir, au milieu de la grimace, un appel, une promesse — c’est une femme, et elle est magnifique. Un soupçon de banalité la rend immédiatement sympathique : elle rappelle des amours perdues, des femmes aimées puis oubliées (le croit-on), des passantes croisées ici ou là, adorées à la folie pendant trois secondes, avant de disparaître à jamais. Cette femme, on l'a connue, on l'a croisée mille fois. Son visage, à la fois beau et banal, généreux dans sa retenu, ouvre non pas la boîte, mais le dé à coudre de Pandore : sa grandeur, sa puissance sont dans les détails, infimes, imperceptibles, même. On se sent désarmé par cette bouche en cœur qui fait tous les efforts du monde pour retenir les haricots, un rire, une simple parole qui viendrait dévoiler un timbre (ou le devine) flûté, symphonique. On se demande par quel miracle cette femme (probablement morte, ou très vieille) vient nous interpeller à travers les décennies ; par quel enchantement une simple soirée entre amis vient suggérer l’amour, dans ce qu’il a de plus absolu. En lisant la légende de la photographie, on apprend que l’un des deux hommes est Josef Mengele — la star de la sélection allemande, qu’on ne présente plus. Evidemment, cette scène brésilienne le représente pendant son exil, dans les années 70. Par quel miracle se trouve-t-il aux côtés d’une si jolie femme ; quel désordre de la Création vient permettre une évidente promiscuité entre notre amour récent et l’une des plus belles saloperies de l’histoire de l’humanité ? On pourrait évidemment se perdre dans la rêverie. Cette moue enfantine, insoupçonnable, est-elle l’incarnation même du Diable ? Cette bouche pincée a-t-elle proféré, quelques instants avant la photographie, mille anathèmes contre le peuple Juif, avant d’éclater de rire, au milieu des haricots ? Le désir, mêlé au mal absolu, n’en devient que plus intense, obsédant car contre nature. J’ai l’habitude de railler ma compagne au sujet de la « photo » : ce que beaucoup prennent pour un art, je le considère comme un vol, un détroussage de cadavre, un pillage des instants les plus chers de l’existence. Mais je rejoins aujourd’hui la majorité : égale à Dieu, la Photographie peut effacer le péché pour révéler la chair. Insensible à la morale, elle ne se préoccupe que du Beau — c’est d’ailleurs le seul art qui puisse extorquer une quelconque volupté au 3eme Reich, ce n’est pas le moindre des mérites.

 

Pour ce soir, le Brésil bat l’Allemagne, et Neptune ridiculise le Danemark.

16 juin 2012

I'm So Tired

Une petite pensée pour Thierry Roland, qui aura attendu une victoire de la France pour nous quitter à l'aube du Bloomsday. Ce soir, les Polonais et les Russes passent en quart. Et Leopold Bloom retrouve le jeune Dedalus dans un bordel, comme tous les ans, pour notre plus grand bonheur.

15 juin 2012

The Girls In Paris

Mauvaise humeur, manque de temps, concision :

Ukraine 0 : 0 France

Match lénifiant, sans vie, sans entrain. Il faudra sortir les calculettes pour le dernier match, et mettre Paris en bouteille pour espérer passer.

Suède 0 : -1 Angleterre

Match lénifiant, sans vie, sans entrain. Ecrasée par son propre néant, la sélection anglaise déclare forfait et ne jouera pas le dernier match.

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14 juin 2012

The Irish Rover

Italie 3 – 1 Croatie

Séduisante lors du premier match, l’Italie va monter en puissance et battre les Croates lors d’un match tendu suite à l’expulsion à la 7’ de Balotelli pour un coup de poing sur Modric, le David Guetta des Spurs. « El Loco Italiano », le « Fou Furieux », « la terreur de City », celui que tout le monde semble vénérer pour ses « frasques » (il lance des fléchettes, va aux toilettes sans se laver les mains, discute avec des gens dans les bars, etc.) est imprévisible sur un terrain. Il peut marquer et épater tout le monde, ou arrêter de courir pour se battre, rêvasser, se faire sortir à la mi-temps par un entraîneur médusé. Trop instable psychologiquement pour qu’on puisse en rire ou le prendre en modèle, on est en droit de lui préférer le grand Antonio Cassano, un vrai méchant macho fantasque à l’Italienne, revenu d’entre les morts il y a peu pour amener son équipe très loin dans la compétition. Derrière, il y a Pirlo, et ça, c’est toujours la classe.

 

Espagne 1 – 2 Irlande

L’Espagne, depuis la fin de Franco, c’est plus ça. La Roja ne va guère mieux : entre un Torres nullissime, incapable de faire une touche, et une équipe de hand fatiguée, les Espagnols manquent surtout de mauvais garçons pour être réellement attachants. Les gendres parfaits vont se faire surprendre par le fighting spirit irlandais, avec des relents de bière brune et tiède. Le gentil Iniesta montrera son vrai visage en piétinant l’avant-bras de Robbie Keane avant de lui cracher dessus, et on parlera d’un transfert express aux Queens Park Rangers. Dans les tribunes pour encourager ses amis, Messi jettera un papier à la poubelle qui finira miraculeusement dans le but irlandais. Le ballon d’or lui est décerné sans hésitation, on parlera même de la « magie du football. »

13 juin 2012

Football Wizard

La logique n'a pas été respectée au premier tour afin d'entretenir le suspense, mais les choses sérieuses commencent enfin dans le groupe B. Les matchs d'aujourd'hui seront moins frileux que les premiers : deux équipes catholiques ou en partie catholiques jouent leur peau, purement et simplement.

Danemark 1 - 4 Portugal

Comme le titraient les journaux sérieux, le Danemark "pourrait bien" créer la surprise, tout comme un astéroïde "pourrait bien" s'écraser sur la terre d'ici demain. La vie est incertaine, nous tenons à peu de choses. Christiano Ronaldo prend pour la première fois conscience de sa condition humaine tragique et sort le match de sa vie, épaulé par Pepe, auteur de deux passes décisives.

Pays-Bas 3 - 2 Allemagne


Peu réalistes au premier match, les Pays-Bas rectifient le(s) tir(s) malgré une ambiance malsaine dans la sélection, face à une Allemagne solidaire mais complètement dépassée par l'enjeu. Les quatre équipes finissent la journée à 3 points.

12 juin 2012

Back In The USSR

La France est tout de même un curieux pays. Je le dis comme je le pense. Là où tout le monde devrait se réjouir du point inespéré obtenu contre le colosse anglais (qui aurait pu croire que c'était possible, face à une équipe en pleine forme alignant, excusez du peu, Joe Hart, Ashley Cole, John Terry, Mickey Rooney, Ryan Giggs, David Beckham, Bill Shankly, Brian Clough, Pelé et Michel Houellebecq ?) — là donc où il faudrait applaudir, louer la résistance de nos champions, saluer une discipline tactique de fer, digne de Thatcher (ou "Maggie", comme on dit aujourd'hui...) qui a su clouer les Anglais en défense, dans un mouchoir de poche, chétifs, repliés, rétrécis comme une verge dans l'eau glacée, eh bien non : la polémique l'emporte. C'est typiquement français, ça, il n'y a vraiment qu'en France qu'on voit ça.

Le "ferme ta gueule" de Nasri est désormais sur toutes les bouches. Son cri du coeur a traversé l'Europe et, comme ces tsunamis qui gagnent en vitesse au fil des heures et servent à réguler la population pauvre, il a déclenché ici, chez nous, une onde de choc disproportionnée, largement alimentée par le papier-cul de l'Equipe (c'est typiquement Français, ça, le papier-cul, il n'y a qu'en France qu'on voit ça, allez en chercher au delà de nos frontières, tiens.)  Journal qui, rappelons-le, base ses articles sur la mesquinerie, les rumeurs, les analyses bidon, les compte-rendus larvesques, et qui tire sa seule gloire de plumes passées (ah, les articles de Moravia sur le Giro ! ah, les analyses poussées de Léon Bloy sur le Beach Volley féminin ! On savait écrire à l'époque.) Loin d'encourager la sélection, l'Equipe prend un malin plaisir à dénoncer, collaborer (c'est typiquement Français, ça, "le malin plaisir", est-ce qu'on trouve ça ailleurs ? Grand Dieu non.) Voilà donc la compétition lancée dans le pire des climats, d'autant que l'Ukraine a montré un visage réjouissant face à la Suède, grâce à Chevtchenko, décidemment un homme de très grande classe (c'est typiquement Français, ça, les attaquants ukrainiens de très grande classe, on ne voit ça qu'en France, c'est terrible.)

Mais le chevalier Blanc est là pour protéger son poulain. Plus cinglant encore que le Dylan amphétaminé de 66, tout en préservant une part d'innocence qui le fait ressembler à un agneau dans l'abattoir, le voilà en conférence de presse qui prend la parole : "Ecoutez, bong, vous, ça vous intéresse, les petites phrases, heing, ça vous intéresse ? Moi ça ne m'intéresse pas, mais si vous voulez parler football, Angleterre, Ukraine, ou existentialisme, là, oui ça m'intéresserait, heing, et je pourrais vous parler des choses." Et le sélectionneur de partir sur un petit ricanement cruel, qui laisse l'assistance confondue.

C'est aujourd'hui le début du "deuxième tour". Les premières larmes sont ravalées, même les mauvaises équipes peuvent encore espérer un miracle, quant aux autres, elles ont peur de gâcher leur capital. Entre elles, pas d'alliance, de regroupement, de "sursaut citoyen"... Jean-François Copé l'a dit : "Pas de consigne." C'est un moment qui réserve bien des surprises, d'ailleurs :

Grèce 0 - 2 République Tchèque

Humiliée par la Russie, la République Tchèque va être surmotivée pour ne pas sortir prématurément de la compétition. Humiliée par l'Europe, la Grèce va toucher le fond du trou, si encore ils parviennent à payer un bus pour accéder au stade.

Pologne 2 - 2 Russie

Soyons honnêtes, la Russie va probablement gagner. Cela dit, on ne fait pas un pronostic pour gagner de l'argent, mais pour faire parler son coeur, et il est hors de question de trancher entre ces deux pays que j'aime beaucoup (et qui entre eux ne s'aiment pas du tout.) L'ambiance promet d'être électrique entre les partisans de Gombrowicz et les descendants de Dostoïevski, entre les Catholiques et les presque-aussi-remarquables Orthodoxes. La Pologne est plus faible, mais joue chez elle ; la Russie a brillé pour le premier match, et devra confirmer. On souhaite du sang, des larmes, et de la passion (c'est typiquement Français, ça, "souhaiter", on se prend pour qui, qui aujourd'hui fait encore des voeux, des souhaits, des rêves ? On ne voit ça qu'ici, sur le Bûcher, je vous dis que ça.)

10 juin 2012

Ne m'appelez plus jamais France

C’est marqué partout, dans tous les magazines, du plus spécialisé au plus féminin : l’équipe de France, c’est le flou. L’inconnu. On la contemple, et déjà elle se trouble, se déplace, c’est quantique. Comme sous l’effet d’un mauvais vin, on la voit plus belle qu’elle ne l’est, et même, on en vient à la désirer. D’une bande de bras cassés sympathiques (ou pas, d’ailleurs), on se fait un sérail. Que représente-t-ils ? Personne ne le sait. L’équipe de France, aujourd’hui, c’est la tache d’encre du test de Rorschach : chacun y voit ce qu’il veut, souvent des choses désagréables, qui renvoient aux traumatismes sexuels de l’enfance. C’est l’imprécis, l’esquisse, le tracé au crayon qui précède, annonce le chef d’œuvre… Elle est plus pauvre que Job, pourtant on cligne de l’œil, et c’est Crésus qui apparaît, mais un Crésus maladroit, pataud, qui s’exprime encore avec l’argot de la misère. C’est comme le chat de Schrödinger : on sait qu’elle est dans une boîte, à l’abri des regards, insensible au bruit du monde, mais on ne sait pas si elle est morte, si elle est en vie… Tour à tour Villageoise et Saint Emilion, elle enchante le palais autant qu’elle l’agace — on est malade aujourd’hui, on ne se rappelle déjà plus très bien de ce qui s’est passé avant, mais on devine que c’était glorieux. Plus indéchiffrable qu’une gravure d’Escher on pense la cerner que déjà elle invente de nouvelles géométries, des architectures démentes, comme dans ces maisons galloises où les toilettes sont vissées au plafond… Plus touffue qu’une toile de Bosch, elle est peuplée de créatures effarantes, tour à tour anges, lézards et démons. On demande des exemples ? Je sais bien : dénoncer, prévenir les Allemands… Ribéry serait mentionné sous la plume d’Abdul Al-Azred aux alentours du quattrocento. Sur la pochette d’Abbey Road, on peut lire « ALOU IZ DED » sur une plaque d’immatriculation, et en effet, personne n’a vu ce pauvre Diarra faire quoi que ce soit sur un terrain depuis six ans. Marqué dans sa chair, le bétail français cherche à effacer la lettre écarlate qui lui barre le front depuis Knysna, le Bus, l’Expérience (termes qui renvoient directement aux pérégrinations de Ken Kesey sous LSD.) Les médias parlent de « laver l’affront de 2010 », mais franchement, qui n’a pas franchement ri — on parle bien de ce rire franc, immense, rabelaisien, qui lézarde les murs, et qui sait surtout guérir les blessures — devant la déconfiture sud-africaine ? Le Bus, c’est comme l’interdiction du tabac ou des femmes dans les bars : au début, on s’offusquait, on avait peur de s’ennuyer, finalement, des années plus tard, on reconnaît l’utilité de la réforme, et on se remémore les temps d’abondance avec cette mélancolie joyeuse qui cimente l’amitié. C’est une histoire de cycle : le flou fait toujours place à la précision. On sera donc nuls ou proches du génie, mais pas flous, "incertains", comme l'avancent les analystes frileux. Que ce soit dit : il faut tutoyer les cimes, peu importe en bas ou en haut.

Donc :

France 3 – 0 Angleterre

C’est sur ce score historique, quasi freudien, que nous allons démonter la perfide Albion. Je suis chaque match de Liverpool : je sais déjà qu’on ne peut pas se prendre un but de Carroll, et que Gerrard, tout génie absolu qu’il soit, est sur le déclin. Minée par les blessures, la sélection anglaise aura beaucoup de mal à émerger du groupe D.

Ukraine 1 –  4 Suède

Les Ukrainiens jouent à domicile, mais ont une équipe vraiment faible, avec Shevshenko sur chaise roulante. Les Suédois ont Zlatan Ibrahimovitch — Zlatan, et nous, nous sommes qui, sérieusement ? Son autobiographie récente est le livre le plus enthousiasmant qu’on ait pu lire depuis des années. Souvent mauvais en sélection nationale, il va survoler cet Euro et marquer plein de buts, avant de mourir sur scène, comme Molière, Jimi Hendrix ou Marc Bolan, en 1/4 de final.

9 juin 2012

Spanish Bombs

Ça fait longtemps qu'on n'a pas parlé POP MUSIC, et comme je n'écrirai plus jamais dessus, voici une liste de coups de coeur récents, pour des artistes contemporains ou non, francophones ou non, dans des genres différents :

The Beatles, ——

 

Espagne 0 - 1 Italie

Comme en 1588, l'Armada espagnole va s'échouer sur les côtes italiennes. Trop sûrs d'eux, les Ibères vont enchaîner les passes sans parvenir à marquer contre des Italiens repliés et mesquins, avant un but tardif de Balotelli qui crééra la polémique en enlevant son maillot pour dévoiler un message "rape the spanish cunts" peu équivoque. La bagarre se poursuit dans les rues et on parle un temps de suspendre l'Euro. L'Espagne commence à douter, enfin.

 

Irlande 3 - 2 Croatie

Fous de rage après avoir été privés de Mondial il y a deux ans, les rouquins abordent l'Euro avec beaucoup de rancoeur et de naïveté. Ils arriveront à se débarrasser des Croates, avant de ridiculiser les Espagnols, à la surprise générale.

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