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Le Bûcher De Violin
13 avril 2011

Reggiani, 3/6

1. Le Pont Mirabeau

Un homme au regard usé récite un poème d'Apollinaire sous la pluie. Tout Grand Corps Malade se trouve déjà ici, en plus gominé.

Note : B

2. Le Premier Amour Du Monde

Les deux premiers amants de l'Histoire ne connaissaient pas le PACS, le planning familial, ou Facebook, et pourtant leur innocence a inondé le monde. Tout ce qui est venu par la suite n'était qu'une pâle tentative pour reproduire la pureté originelle, mais après Adam et Eve, il n'y avait déjà plus rien à dire.

Note : A

3. Les Mensonges d'Un Père A Son Fils

Un père alcoolique et brisé tente de rassurer son fiston : dans la vie, les femmes ne vous quittent pas, les amis ne meurent pas, on se sent bien sur terre, etc. Hélas, il se révèle plus inquiétant qu'autre chose, et il y a fort à parier que le fiston en question va aborder l'existence avec des complexes insurmontables.

Note : A

4. Mathusalem

Un homme contemplatif pense à la vie amoureuse de Mathusalem (qui a duré quelque chose comme sept cents ans) et se demande si lui aura la force d'aimer aussi longtemps. Voici les trois premières minutes du marathon.

Note : C

5. C'Est Comme Quand La Mer Se Retire

Impossible de savoir précisément de quoi parle la chanson, mais son impressionnisme maritime séduit. Déluge sonore noyé sous les cordes, on s'y perd comme dans la nouvelle de Poe, celle qui parle de sardines et d'une folie sans âge.

Note : A

6. Les Fruits De Mer

Hommage paresseux aux moules, huitres, bigorneaux, et autres réjouissances que le narrateur compare à un amour échoué sur la plage. Accointances thématiques avec Baleine de Paul Gadenne et The Sperm White Whale de Pepito Lamantin, mais honnêtement c'est un peu chiant.
Note : C

7. Ce N'Est Pas Moi Qui Chante

Deuxième slam en moins de dix chansons, plus lugubre que le précédent, plus court et donc meilleur.
Note : B

8. L'Arabe

Histoire d'une amitié au soleil qui se révèle tour à tour fraternelle et venimeuse, c'est une chanson épique mais complexe qui décrit les rapports humains en situations extrêmes, comme on savait en écrire à l'époque où nous disposions d'un vaste empire colonial.
Note : A

9. Le Déjeuner De Soleil

Longue plainte dévastée à la gloire de la nostalgie. Le déjeuner en question est frugal, et tient plus du carême que du festin de roi. Tout un univers qui s'anime en quatre minutes ; on pense à ces automates qui paradent sur les cimes d'une horloge astronomique avant de s'éteindre dans le silence de la cathédrale.

Note : A+

10. Les Promesses

Un homme chétif et porté sur la bouteille rentre chez lui après la tournée des bars. Devant le regard résigné de sa femme, il s'emporte : c'est la dernière fois qu'il rentre dans cet état. A partir de demain, tout va changer, la réussite sera au rendez-vous, ils pourront partir au soleil, mener la grande vie. L'homme déborde de sincérité, mais on se doute que c'est au moins la vingtième fois qu'il fait cette promesse, ce qui rend la chanson étrangement lugubre.

Note : A+

11. L'An Mil Neuf Cent Soixante Et Huit

Un père possessif et théâtral a perdu son fils en 1968, parti pour on ne sait quelles Amériques. On ne sait pas très bien si l'enfant a quitté la maison ou s'il est décédé, mais depuis le père vieillit à vue d'oeil. Les choses finissent par s'arranger : tous deux se retrouveront bientôt dans la mort. Spectaculaire.

Note : A+

12. T'As L'Air D'Une Chanson

Un songwriter mélancolique et doux-amer compare sa compagne à une chanson "qu'il n'arrive pas à retenir". Les métaphores musicales se succèdent avec tendresse et malgré le côté catalogue, on finit bouleversé.

Note : A+

13. Pericoloso

Version comique de L'Italien. Accent forcé, imagerie convenue (les cousins, la famille, etc.), mais la mélodie rattrape tout. L'Italie se marie bien avec la variété française (voir Le Temps Des Fleurs ou L'Ete Indien.) C'est un pays où l'on trouve tout ce qui rend la vie attachante (catholicisme, vin, charcuterie, ruines romaines, Gattuso) en grandes quantités.

Note : A

14. Villejuif

Un homme au bilan psychiatrique ambigu prend la plume. Il n'écrit pas de Grèce, de Prague, ou de Madrid, mais d'un asile où on l'a enfermé pour protéger ses semblables. Dans un état pire que la mort, il accuse l'humanité entière et prophétise des lendemains difficiles. Des trompettes accompagnent notre Isaïe en camisole, qui éructe sur un fond wagnérien (mais pas pénible.)

Note : A +

15. Le Monsieur Qui Passe

Après cette série de morceaux marquants, l'inévitable baisse. Un promeneur morose et déprimé aimerait échanger sa vie avec un passant qu'il croise dans la rue. Quand il aperçoit la femme du passant, il prend peur et veut retrouver sa liberté. On croyait tenir un hymne à la dépression, c'est en fait une charge misogyne amusante mais un peu courte.

Note : B

16. La Pause Tendresse

Interlude évanescent, si tendre qu'il en devient un peu ennuyeux.

Note : B

17. Tu Vivras Tant Qu'On T'Aimera

Chanson sans queue ni tête, qui ressemble à une parodie.

Note : C

18. Un Menuisier Dansait

C'est une scie.

Note : B

19. Ce Soir Mon Amour

Deux amants se déchirent. Ce soir, entre le bordeaux et la salade de carottes, l'homme va dire ses quatre vérités à la femme qu'il quitte. La chanson, elle, manque un peu d'assaisonnement.

Note : B

20. Chanson de Maglia

Un homme au fond du trou se lamente devant une jeune fille. Il est la nuit, elle est le jour : son désespoir est incurable. A dire vrai, il chercherait à la faire fuir qu'il ne s'y prendrait pas autrement, mais on devine chez son interlocutrice une tendresse maladive qui la pousse vers le malheureux. On espère une trace d'humour, une envolée lyrique — en vain, la chanson se termine dans une noirceur retenue. Plus épuré, c'est la mort cérébrale.

Note : A


21. Et La Fête Continue

Chanson vieille France avec piano de bastringue, ivrogne et bonne humeur. Zaz a aujourd'hui pris la relève.

Note : B

22. La Chanson De Paul

Attention : gouffre. Paul s'enivre avant de dormir. Oui, il avait promis, mais il boit quand même. Sa femme part se coucher, il reste seul avec ses souvenirs et un roman qu'il n'écrit pas. Le passé exaltant ne parvient plus à chasser la fatigue. On ne sait pas quand les choses ont déraillé, on imagine que la transformation a été lente, insidieuse. Pire que tout, on imagine que la situation peut encore durer comme ça pendant des années, entre indifférence et sommeil. Chef d'oeuvre.

Note : A+

23. Journal

Placé entre deux sommets, cet extrait de journal intime semble un peu banal. Hommage sympathique néanmoins au plus grand genre littéraire qui soit.

Note : B

24. Si Tu Me Paies Un Verre

Plus terrible encore que Time Between Bottles Of Wine par Waylon Jennings, cette complainte d'un pillier de bar à bout de souffle, atteint d'une gueule de bois permanente. Il ne vit que pour le prochain verre, celui au bout duquel sont pendus tous ses espoirs qui disparaitront en une gorgée — en face de lui, un homme mystérieux, qui peut être le Christ ou même une canaille. Malgré l'ambiance fraternelle digne de Blondin, on ne sait pas si le verre en question est payé, ni même s'il est déjà question du prochain. L'ardoise s'annonce corsée.

Note : A+

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Commentaires
P
Bien cher Monsieur,<br /> <br /> Je parcours votre blog ce printemps, et je dois vous avouer qu'il ne me semble point trop accablant.<br /> Je dirais même que je le trouve gouleyant, à la facon d'un camembert bien fait, trop fait, même, et c'est comme cela que nous l'apprécions, n'est-ce pas ?<br /> Vos dissertations jésuistiques; parfaitement coulantes, odorantes, caillées, une merveille de décapant. Je suis théologien, Monsieur. Je pousserais la gourmandise en avancant qu'avec un verre de cidre, le camembert bien fait est le plat de Dieu.<br /> Après, n'allez pas danser la rumba, je ne m'aventurerai pas à ouvrir la cloche à fromage entre les repas.<br /> <br /> Bien sûr, quelques détails me chagrinent, et d'abord votre silence artistique sur Tintin au pays des Soviets, qui ne me semble absolument pas mériter le sort que vous lui faites.<br /> Citez moi une oeuvre, Monsieur, qui condamne à la fois efficacement et artistiquement le régime soviétique.<br /> Ce bien beau Soljenitsyne m'excusera, mais il manque un peu de gags à la peau de banane.<br /> Je vous donne cette piste de lecture, que vous suivrez peut-être: il y a dans ce premier album toute la fascination hergienne pour la vitesse, les sports extrêmes, ce que les universitaires nommeront s'ils le souhaitent l'esthétique futuriste, et qui constitue la plus belle parade à l'empire de la lenteur. Quel est le scénario de Tintin au pays des soviets ? Ni plus ni moins les difficultés de déplacement dans la Russie soviétique.<br /> Quant à la portée de ce personnage constamment travesti d'agent du guépéou, il est une belle illustration de la haute idée qu'avait Hergé du statut du personnage: c'est bien l'unité de l'homme, dans les diverses facettes du Mal, qu'il traque.<br /> Remarquez d'ailleurs comme ce personnage ressemble à Tintin, alors que presque tous les futurs méchants de la série auront tendance à être gros ou barbus - ou arabes.<br /> Quant aux scènes de duel à mains nues, on les retrouvera trop peu par la suite.<br /> Enfin, ces usines en carton, cet univers de la mascarade, n'est-ce pas les contours de son propre statut d'artiste qu'Hergé dessine ? Ou comment l'auteur doit d'abord comprendre que son monde est en carton-pâte, et que l'orgueil ne lui est pas permis ?<br /> <br /> Monsieur, que pensez-vous du Mont-Dore très coulant ?<br /> <br /> Bien à vous, <br /> Prosper Constantin
Le Bûcher De Violin
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