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Le Bûcher De Violin
15 janvier 2010

Je veux l'avoir, et je l'aurai

Tintin en Amérique

tintin_amerique

Ou Tintin On The Road. Plus encore que le livre culte mais chiant de Kerouac, ce volume nous présente une Amérique fantasmée, entre New York, Chicago, les grandes plaines, le train de marchandises, les cow-boys et les indiens, etc. Cette visite touristique est d’ailleurs le seul point fort de l’ouvrage, qui aurait peut-être gagné à être un dépliant de trois feuillets.

Car Tintin en Amérique n’a pas eu la chance de bénéficier d’un scandale racial pour rester dans l’histoire. Les défauts du premier opus n’ont pas été corrigés ; on assiste toujours à une succession de sketches décousus et inégaux. Hergé change les décors comme Faulkner met des points à ses phrases (toutes les quinze pages) mais ne parvient pas à chasser la monotonie. C’est un peu l’album des grands excès, avec une pluie d’interventions deus ex machina : le train qui s’arrête devant Tintin ligoté, la grève des ouvriers de Chicago qui le sauve d’une mort affreuse, les graines sur le peloton des Indiens, la brindille à laquelle il se raccroche en tombant d’une falaise, autant de vieux trucs usés et remâchés, l’équivalent du Diddley beat dans le rock, ou du roman choral quand on ne sait pas écrire une intrigue. Certes, le Créateur est Dieu, mais Hergé en fait un peu trop. Le seul véritable coup de génie est le gag de la trappe, utilisé quatre fois (dont une en pleine rue !) Grâce à cette répétition décalée, Hergé se fout de la vraisemblance et recherche une poésie surréaliste et désuète, qui fait d’ailleurs tout le charme de ces deux premiers volets, terriblement touchants dans leur naïveté.

Il faut être honnête : une ébauche de fantôme de scénario commence à se dessiner. Ainsi, tous les gags ont en commun d’impliquer des gangsters ridiculisés par Tintin (ou, en filigrane, le crime puni par le pouvoir de la plume.) Le vrai intérêt de ce volet bâclé (où sont les personnages marquants ?) réside dans le portrait au vitriol des Etats Unis, une nation bête et veule qui chasse ses natifs pour implanter des villes-champignons sur des puits de pétrole. Cette critique amère de la morale protestante n’épargne personne : la police, corrompue ou dépassée, ne vaut guère mieux que les spéculateurs qui eux-mêmes sont montrés moins sympathiques encore que les gangsters. Le gros problème est qu’à cette époque, Hergé se documente auprès de livres écrits dans des bistrots, ce qui écaille un peu les couleurs du monde qu’il dépeint. Des vignettes américaines, oui, pas des photographies.

Coïncidence ou pas, avec ces deux premiers épisodes, en peignant tour à tour le colonialisme européen et le fordisme du Nouveau Monde, Hergé suit les traces de Céline dans le Voyage Au Bout De La Nuit. Heureusement la comparaison s’arrête ici : les Aventures de Tintin, elles, ne tourneront pas à la bouffonnerie stylistique et indigeste après le deuxième livre. Les choses sérieuses peuvent commencer.

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